Le
Monde
27 April 2002
Le Fonds global contre le sida accorde ses premiers financements
By Paul Benkimoun
A l'issue de trois jours de réunion à New York, le conseil
d'administration du Fonds global contre le sida, la tuberculose
et le paludisme a annoncé, jeudi 25 avril, ses premières subventions
à des programmes de prévention et de traitement dans les pays
les plus touchés. Quarante programmes, dans 31 pays, vont
recevoir un total de 378 millions de dollars (420 millions
d'euros) sur deux ans, dont la moitié (52 %) pour l'Afrique.
Les
programmes de lutte contre l'infection par le VIH se taillent
la part du lion : près de 60 % des fonds vont à des actions
dirigées exclusivement contre le sida et 15 % à des programmes
combinés contre le sida et la tuberculose ou le paludisme.
Dix pour cent des financements seront dédiés à la lutte contre
le paludisme et 16 % à celle contre la tuberculose.
Chaque
année, à elles trois, ces maladies frappent 500 millions de
personnes et sont responsables d'au moins 6 millions de morts,
soit 10 % du total des décès dans le monde, comme le rappelle
le rapport "Coordinates 2002", publié par l'Organisation mondiale
de la santé, l'Onusida et l'Unicef. Outre les quarante premiers
programmes, le conseil d'administration du Fonds global a
retenu une procédure rapide pour approuver, sous réserve de
clarification technique, 18 demandes de subventions dans 12
pays, parmi lesquelles trois propositions concernant plusieurs
pays. Ce volet représenterait un supplément de 238 millions
de dollars, portant le total de la première vague de subventions
à 616 millions de dollars sur deux ans.
Fondation indépendante
"Le financement sur cinq ans de l'ensemble de ces programmes
se montera à 1,6 milliard de dollars, précise le docteur Anders
Nordström, chef de la division santé à l'Agence suédoise pour
le développement et la coopération, qui a assumé les fonctions
de directeur exécutif intérimaire du Fonds. La poursuite du
financement au-delà des deux premières années sera décidée
au vu des résultats obtenus." Lancé par une assemblée générale
extraordinaire de l'ONU (Le Monde du 29 juin 2001), le Fonds
a aujourd'hui le statut d'une fondation indépendante. Il s'est
doté d'un petit secrétariat, basé à Genève, et d'un conseil
d'administration. Dans ce dernier siègent sept représentants
de pays en développement (Brésil, Chine, Nigeria, Ouganda,
Pakistan, Thaïlande et Ukraine), autant pour les "pays donateurs"
(Etats-Unis, France, Italie, Japon, Royaume-Uni, Suède et
un pour la Commission européenne), deux délégués d'organisations
non gouvernementales et deux personnes mandatées par le secteur
privé (la Fondation Bill Gates et la firme Anglo-American
PLC).
Lors de sa réunion du 22 au 24 avril, le conseil d'administration
du Fonds a désigné comme directeur exécutif un Britannique,
le docteur Richard Feachem, fondateur et directeur de l'Institut
pour une santé globale et professeur à l'Université de Californie.
Le conseil d'administration du Fonds avait lancé, le 25 janvier,
un appel à des propositions de financement : il en a reçu
385, émanant de 77 pays. Un groupe international de 17 experts,
sous la houlette du Français Michel Kazatchkine, président
de l'Agence nationale de recherche sur le sida, a examiné
les "plans élaborés par le biais de partenariats nationaux
dans les pays sévèrement touchés ainsi que dans les régions
où les épidémies prennent de l'ampleur". Le Fonds entendait
soutenir "aussi des plans des pays qui ont démontré le niveau
d'engagement politique le plus élevé vers l'éradication de
ces maladies ".
La
doctrine officielle du Fonds est de couvrir "la prévention,
le traitement et la prise en charge, ainsi que l'appui relatif
aux trois maladies". Dans la pratique, "les traitements sont
une priorité du Fonds", affirme Philippa Lawson, membre du
conseil d'administration, où elle représente les personnes
vivant avec le virus du sida.
Actuellement,
le Fonds ne possède en banque que 200 millions de dollars
sur les 1,9 milliard de dollars d'engagements déjà pris par
les donateurs, une somme elle-même très en deçà du montant
de 7 à 10 milliards de dollars annuels que ses créateurs estimaient
indispensables. Néanmoins, le conseil d'administration est
optimiste. "C'est un départ réussi. Beaucoup de donateurs
potentiels, publics et privés, attendent de voir si le Fonds
est capable de fonctionner et les programmes d'être efficaces
avant de s'engager", explique Philippa Lawson. Une deuxième
vague d'appel à projets aura lieu avant la fin de cette année.

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